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Les dernières couches géologiques du Bassin Parisien
La géologie du Bassin Parisien, en offrant une succession de couches disposées en arc de cercle, joue un rôle important dans la distinction des paysages de Meurthe-et-Moselle. L’[bleu violet]empilement de roches tendres et de roches dures[/bleu violet], ainsi que le lent soulèvement du Massif Vosgien, sont à l’origine du relief des [bleu violet]côtes[/bleu violet] (ou cuetas), éléments caractéristiques des paysages lorrains.
Le département se trouve ainsi intimement lié, au-delà de ses limites administratives, à la Lorraine, dont il recoupe la majorité des formations géologiques (Côtes, Plateau Lorrain, Piémont Vosgien). La géologie (mais aussi le climat) explique également la [bleu violet]diversité des sols[/bleu violet], leurs potentiels de mise en culture et les terroirs, distinguant ainsi des paysages diversifiés et des productions agricoles variées.
La Meurthe-et-Moselle : rencontre du Bassin parisien et du Massif vosgien
L’histoire géologique du Bassin parisien et la formation des cuestas
Occupant le rebord oriental du Bassin parisien, le département de Meurthe-et-Moselle présente une [bleu violet]variété de roches sédimentaires[/bleu violet] avec des grès, des argiles, des marnes et des calcaires. A l’échelle du Bassin parisien, ces roches s’organisent à la manière d’une pile d’assiettes : les formations les plus anciennes se situent en dessous et apparaissent à la périphérie, tandis que les plus récentes se superposent en strates concentriques. Ces strates se sont déposées sur plusieurs centaines de mètres d’épaisseur et [bleu violet]affleurent en couches successives suivant l’inclinaison vers l’ouest.[/bleu violet]
L’échelle des temps géologiques en millions d'années, permettant de resituer les couches géologiques de Meurthe-et-Moselle
Dans le département, la plupart des formations géologiques se sont accumulées durant l’ère secondaire, longue période de sédimentation qui a duré 200 millions d’années. Elles sont sculptées en côtes ou cuestas, [bleu violet]paysage typiquement lorrain[/bleu violet]. Ces couches s’appuient sur le socle gréseux plus ancien du Massif Vosgien qui apparaît à l’est du département, avec les grès vosgiens du Trias (Buntsandstein) ; puis viennent les calcaires coquilliers du Muschelkalk et les marnes et argiles du Keuper qui forment le Plateau Lorrain ; enfin les couches du jurassique composent les reliefs des Côtes à l’ouest. Quant aux quelques dépôts du tertiaire et du quaternaire visibles dans le département, ils se retrouvent essentiellement dans les vallées.
Des contrastes de paysage qui s’expliquent par la géologie du département
D’ouest en est, se distinguent ainsi les grands ensembles naturels et paysagers que sont : les Côtes, le Plateau Lorrain et le Piémont Vosgien.
Toute la partie ouest du département s’organise en une série de couches successives orientées nord-sud et formées par les plus anciennes auréoles concentriques du Bassin parisien.
Le relief des côtes : une morphologie particulière issue de l’alternance de couches dures et de couches tendres
« Les côtes représentent des paysages rythmés caractérisés, d’ouest en est, par la succession de 3 formes de relief : un plateau calcaire ou gréseux ([bleu violet]le revers de côte[/bleu violet]), un talus dépassant plusieurs dizaine de mètres de dénivellation ([bleu violet]le front de côte ou cuesta[/bleu violet]) et une dépression argilo-marneuse ([bleu violet]dépression orthoclinale[/bleu violet]). » (d’après Géologie et géographie de la Lorraine 2006, sous la direction de Annette Lexa-Chomard et Christian Pautrot)
L’origine du relief de [bleu violet]cuestas[/bleu violet] réside dans cette alternance de couches de roches sédimentaires perméables et résistantes (calcaires) et de roches plus tendres et peu perméables (marnes) qui se sont accumulées durant l’immersion du Bassin parisien à l’ère secondaire. Les mers du Secondaire formaient alors un vaste golfe qui s’étendait au nord jusqu’aux Ardennes. Le rivage s’est déplacé vers l’ouest au fur et à mesure que le Massif Vosgien se soulevait, provoquant une inclinaison (pendage) des couches sédimentaires vers l’ouest. C’est ce faible pendage vers l’ouest qui provoque le profil asymétrique des plateaux calcaires : [bleu violet]le front de côte est en pente forte, alors que le revers de côte descend en pente faible pour se noyer sous la couche argileuse suivante.[/bleu violet].
L’érosion dans les calcaires des plateaux se fait par infiltration de l’eau dans les nombreuses fissures ou diaclases de la roche. Elle entraîne une dissolution du calcaire qui, associée à la circulation de l’eau, conduit à la formation d’un [bleu violet]karst[/bleu violet], phénomène bien connu en Lorraine, avec des vallées sèches sur les plateaux calcaires et des résurgences dans les vallées et plaines. La dissolution complète du calcaire laisse sur place une argile de décalcification. Le sous-sol y est calcaire et le sol peu profond. L’eau est rare en surface car elle s’infiltre facilement. Une telle disposition se retrouve tout le long des côtes de Meuse et de Moselle, où l’on peut ainsi pratiquer la spéléologie.
Si le relief de cuestas est très prononcé dans la partie ouest du département avec les côtes de Meuse et de Moselle, il apparaît moins perceptible dans la partie orientale du Plateau lorrain.
Les salines de Varangéville, exploitations des gisements salifères contenus dans les argiles du Saulnois
On y retrouve d’ouest en est les couches géologiques suivantes :
Affleurement de grès rose (Pierre-Percée)
Grès bigarré sur les ruines du château de Deneuvre
A l’ère primaire s’élevait une montagne à la place de l’actuel Bassin Parisien. Les Vosges étaient alors une zone de delta recevant les dépôts de l’érosion de cette montagne hercynienne, les rivières coulant alors vers l’est. Les roches sédimentaires continentales se sont accumulées durant le Trias inférieur (Buntsandstein), formant les couches de grès vosgiens (sables cimentés) sur 200 mètres. Cette couverture sédimentaire n’est pas entièrement décapée et ne laisse pas apparaître les granites et gneiss que l’on retrouve plus au sud sur les sommets arasés et arrondis caractéristiques des [bleu violet]ballons des Hautes Vosges[/bleu violet]. Les grès et conglomérats du Buntsandstein forment aujourd’hui une large ceinture de [bleu violet]collines boisées[/bleu violet] qui s’étendent autour du massif granitique : ce sont les Basses Vosges ou Vosges gréseuses. La [bleu violet]couleur rose des grès[/bleu violet], qui magnifie les paysages du sud du département et contribue à leur identité, s’explique par la présence de fer libéré lors du processus d’altération des grès : les minéraux ferromagnésiens se décomposent en libérant du fer. Ce dernier forme des oxydes divers qui donnent à la roche un aspect bigarré, d’où les nuances colorées qui apparaissent dans les grès roses (le terme Buntsandstein signifie « grès multicolore »). En se désagrégeant, les grès forment des argiles et un sable riche en quartz qui s’accumule au pied des pentes, tandis que le conglomérat principal, plus résistant car moins poreux, forme des tables en surplomb.
Au pied des collines vosgiennes, la plaine sous-vosgienne forme une étroite bande entre le massif des Vosges et la cuesta du Muschelkalk. Elle est constituée des dernières couches gréseuses et de roches calcaires. Les roches plus tendres (grès coquilliers, argiles et marnes) y ont été érodées et forment une [bleu violet]dépression occupée par les prairies et les cultures[/bleu violet]. [bleu violet]Les forêts de hêtres avec résineux[/bleu violet] se sont quant à elles installées sur des sols bruns acides sur les hauts et milieux de pentes.
Les alluvions du quaternaire déposées dans les fonds de vallées sont le siège de gravières qui laissent place à des étangs en fin d’exploitation – Pont-à-Mousson
Les alluvions du quaternaire se sont déposées dans les fonds de vallées et se concentrent sur les berges de la Moselle, de la Meurthe et de la Seille et de leurs affluents. De nature variable (granitiques et quartzitiques pour la Moselle, quartzitiques pour les affluents de la Moselle et de la Meurthe issus des Vosges gréseuses), elles donnent [bleu violet]des sols sableux favorables aux cultures maraîchères et aux prairies naturelles[/bleu violet]. Ces alluvions modernes, recherchées pour leurs matériaux, sont le siège de nombreuses sablières/gravières. Elles renferment également les nappes phréatiques exploitées pour fournir de l’eau potable.
Les plateaux calcaires du Pays Haut et de Haye sont couverts d’une couche d’argile rouge favorable à la culture du blé
Les sols lourds argileux de la plaine de la Woëvre
Les sols de Meurthe-et-Moselle présentent une variété qui s’explique par l’alternance des couches géologiques et par la présence des dépôts alluvionnaires récents de l’ère quartenaire.
Globalement [bleu violet]quatre types de sols[/bleu violet] principaux se distinguent et contribuent à différencier les paysages :
La céréaliculture se développe sur les sols bien drainés des plateaux calcaires
Les étangs creusés dans la plaine de la Woëvre permettent d’assécher les terres trop humides
Les sols pauvres issus des grès vosgiens se couvrent de forêts (sapins, épicés, bouleaux…)
Prairies dans la vallée du Madon
Les sols argilo-calcaires du Saintois sont particulièrement fertiles
A cet ensemble s’ajoute une zone de transition entre pays calcaires et pays d’argiles, avec des sols issus des couches du jurassique inférieur (lias). Ils sont constitués par une succession de lits de marnes intercalés entre des bancs de calcaires, donnant des sols argilo-calcaires ou argilo-siliceux généralement riches et faciles à travailler. Ils forment les terroirs agricoles privilégiés du Saintois, du Vermois, du Bayonnais et du Saulnois.
Bâtiments construits en calcaire jaune (pierre de Jaumont) à la teinte jaune et lumineuse caractéristique (Xivry-Circourt)
Fontaine en grès rose des Vosges à Einville-au-Jard
Chaînage en grès rose : église de Pierre-Percée
[bleu violet]L’architecture est un témoin précieux de la nature des sols et des sous-sols[/bleu violet]. Les teintes et nuances particulières des matériaux de construction, leur mise en œuvre, participent à la personnalité des pays et [bleu violet]l’identité[/bleu violet] des paysages de Meurthe-et-Moselle. Les constructions traditionnelles sont majoritairement en pierre. Si elles sont le plus souvent recouvertes d’un enduit visant à protéger les façades des intempéries, les pierres restent visibles en encadrement de fenêtre ou de porte.
Sur les façades des monuments publics et religieux, ou dans les ouvrages d’art, la pierre de meilleure qualité ne nécessite pas d’enduit et s’offre à la vue. Plus rares, mais non moins précieux pour la qualité des paysages, [bleu violet]les murs de pierre sèche[/bleu violet] se retrouvent surtout autour des villages.
La géographie et la géologie originales du département offrent [bleu violet]une grande variété de pierres à bâtir qui proposent un panel de couleurs allant du rouge au blanc en passant par les jaunes[/bleu violet]. On note ainsi quelques spécificités qui contribuent à l’identité de certains paysages :
Le sous-sol lorrain regorge d’une [bleu violet]grande variété de matières premières qui ont fait la richesse de la région[/bleu violet]. [bleu violet]Minerai de fer, mais aussi sel gemme et sables[/bleu violet], ces ressources ont largement été exploitées dès l’âge de bronze et jusqu’à nos jours, leur exploitation contribuant à façonner les paysages de Meurthe-et-Moselle.
Le fer
Les cités ouvrières, une des traces visibles de l’exploitation du fer dans le département
L’ancienne mine de Mancieulles (UP2)
En Lorraine, [bleu violet]le fer[/bleu violet] est omniprésent. Presque partout la couleur plus ou moins rougeâtre des sols montre son existence. Les gisements de Meurthe-et-Moselle forment un bassin ferrifère important couvrant 1000 km² et répartis en deux secteurs : Briey-Longwy, le plus important, et Nancy.
Longtemps exploités de manière artisanale, trop riches en phosphore et faiblement concentrés en fer, ils n’ont pu être transformés en acier de façon rentable. Il faudra attendre l’invention du procédé Thomas-Gilchrist en 1877, permettant la conversion de la fonte en acier, pour lancer l’exploitation industrielle de la [bleu violet]minette lorraine[/bleu violet]. Son exploitation, intense et brève (de la fin du XIXème siècle à la fermeture de la mine de Mairy-Mainville en 1992, dernière mine de fer de Meurthe-et-Moselle) a façonné de façon spectaculaire une partie des paysages du département : surgissement des usines sidérurgiques, mais aussi des cités minières nécessaires pour loger les ouvriers. L’implantation de l’activité minière sur le territoire s’explique par la géomorphologie :
Au total, les mines auront creusé quelques 40 000 km de galeries, soit un vide estimé à plus de 500 millions de m3 dans les couches ferrifères qui s’étendent entre la Meuse et la Moselle. Ces béances auraient pu rester sans conséquences sur les paysages, mais le mode d’exploitation par traçage et dépilage, c’est-à-dire en suivant la direction des filons de minerai de fer, a conduit au foudroyage des galeries abandonnées et à la déstabilisation des terrains en surface, pouvant entraîner effondrements, affaissements, fontis, inondations, …
Ces risques liés à l’exploitation des mines sont aujourd’hui pris en compte dans les PPRM (plan de prévention des risques miniers) qui identifient des zonages particuliers et jouent un rôle important dans le mode d’urbanisation.
A titre d’exemple, le 15 octobre 1996, Auboué a connu d’importants mouvements de terrain suite à l’ennoyage (inondation naturelle suite à l’arrêt du pompage des eaux) et à l’effondrement des galeries inexploitées. Ces phénomènes ont aussi touché les communes de Jarny (1932-49), Crusnes (1977), Ville-au-Montois (1982), Moutiers (1997), Roncourt (1998-99), Audun-le-Tiche (1902) et Thil (1946 et 1957) dans le Pays-Haut (UP1, UP2), qui ont dû adapter leur mode de développement.
Le sel
Mine de sel de Varangéville dans la vallée de la Meurthe
Puits en bois d’une mine de sel dans la vallée du Sânon, Einville-au-Jard
Sondages pour l’exploitation du sel sur le plateau du Saulnois, Cerville
En Meurthe-et-Moselle, l’industrie du [bleu violet]sel[/bleu violet] se concentre dans les vallées du Sânon et de la Meurthe (UP12, UP15). Elle [bleu violet]marque fortement les paysages[/bleu violet], notamment dans la vallée de la Meurthe, où les talus des bassins de décantation prennent des proportions impressionnantes, remodelant considérablement le fond de vallée, de même que l’imposante usine Solvay à Varangéville.
Dans la vallée du Sânon, ce sont les sondages qui, bien que discrets, marquent les paysages agricoles. L’industrie exploite le bassin salifère lorrain, riche et étendu, installé dans les couches géologiques du Keuper et qui s’étend du Saulnois, en Moselle, jusqu’en Champagne, suivant une orientation sud-ouest/nord-est.
Exploité depuis la préhistoire, le sel voit son commerce s’intensifier grâce aux [bleu violet]voies romaines[/bleu violet] qui suivent les chemins sauniers vers Metz, Trèves, Langres, Strasbourg. Dès le Moyen-âge, les salines se multiplient pour devenir une importante industrie qui ne cessera de se développer. En 1910, on compte seize salines autour de Nancy, tandis que l’usine Solvay de Varangéville développe une production de carbonate de soude dès 1845. Aujourd’hui, seules les salines de la Meurthe sont encore en activité, le gisement de sel gemme étant exploité par des mines et par dissolution sur place en injectant de l’eau dans un sondage puis en pompant la saumure. Le sel brut est utilisé pour le déneigement des routes et l’industrie chimique ; quant à la dissolution, elle permet d’obtenir un sel pur consommable (homme et animaux).
Les extractions de matériaux
L’impact des extractions de matériaux dans les fonds de vallées : la disparition des prairies
Les plans d’eau creusés par l’extraction des matériaux monopolisent le fond de vallée, la vallée de la Moselle depuis le point de vue de Notre-Dame-des-Airs (Dieulouard)
Les formations du quaternaire, accumulées dans les vallées, sont aujourd’hui le siège de nombreuses [bleu violet]sablières[/bleu violet] qui concernant la majorité des fonds de vallées de la Moselle et de la Meurthe. Les [bleu violet]étangs formés après l’extraction des matériaux[/bleu violet] dessinent ainsi un paysage d’eau souvent discret à hauteur d’homme mais particulièrement visible depuis les hauteurs, notamment dans les vallées de la Moselle autour de Pont-à-Mousson. Renaturés et convertis en bases de loisirs (pêche, sports nautiques, chasse), ces étangs retrouvent aujourd’hui pour certains un intérêt écologique. Toutefois, sur de grandes portions de vallées, on assiste à une disparition des prairies et à une artificialisation parfois problématique. Seule la réserve de la Moselle sauvage (UP14), préservée des extractions de matériaux, forme une relique des paysages de fond de vallée avec des prairies, des champs d’expansion des crues, une ripisylve dense et développée et un cours d’eau présentant des méandres et se divisant en de multiples bras.
Il est à noter que le Schéma Départemental des Carrières prévoit la renaturation des anciens secteurs d’exploitation.