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En gérant plus de la moitié de la surface du département (soit 269 000 hectares, source : Agreste 2010), [bleu violet]l’agriculture joue un rôle majeur dans la fourniture des denrées alimentaires et dans la qualité du cadre de vie[/bleu violet]. Le modelage des paysages par les paysans, puis après la seconde guerre mondiale par les exploitants agricoles, s’inscrit dans le temps long de l’histoire. Les terres fertiles des plaines lorraines étaient déjà défrichées au Néolithique. La colonisation romaine apporte la vigne dans la région qui se développe dans toute la vallée de la Moselle, le vin étant alors transporté vers les pays du nord par voie fluviale. Mais [bleu violet]c’est au cours du Moyen-Age que se façonnent réellement les paysages agraires lorrains[/bleu violet], caractérisés par l’[bleu violet]openfield[/bleu violet], un modèle qui se répand alors dans le quart nord-est de la France, la majeure partie de l’Europe centrale et le sud-est de l’Angleterre. Ce modèle traditionnel atteint une première apogée en Lorraine aux XIe et XIIIe siècles, avec la généralisation de [bleu violet]l’assolement triennal[/bleu violet], l’essor du commerce du vin (Toulois), la création de cités marchandes ou encore d’étangs de pisciculture dans la Woëvre. [bleu violet]C’est après la guerre de Trente Ans (1618-1648), que les paysages lorrains qui nous sont familiers se constituent[/bleu violet], notamment par la reconstruction des villages et la constitution de leurs finages (limites communales). Le modèle reste traditionnel jusque dans les années 1950, avant de connaître de véritables bouleversements liés à la mécanisation.
Les caractéristiques liées à l’openfield (l’exemple de Dampvitoux, Pays-Haut)
Les caractéristiques liées à l’openfield (l’exemple de Royaumeix, Woëvre)
« Il est facile d’évoquer ces villages lorrains aux maisons accolées le long d’une large rue (encombrée d’ailleurs de chariots et de fumiers), ces campagnes nues où les champs rubanés n’arrivent pas encore à échapper aux contraintes collectives, ces bois aux contours géométriques soulignés par une lisière. Nulle part en France la ténacité des vieilles habitudes communautaires, si puissantes jadis, ne s’est mieux manifestée. » Jean Nicod, Problèmes de structure agraire en Lorraine (1951), à propos de l’openfield lorrain.
De façon générale, [bleu violet]les paysages agricoles du département apparaissent généreusement ouverts[/bleu violet], offrant des étendues cultivées de belle ampleur : traditionnellement, c’est en effet le système de l’[bleu violet]openfield[/bleu violet] ("champ ouvert") qui domine sur les plaines et plateaux cultivés. Il résultait d’une utilisation très réglementée du sol avec une discipline communautaire stricte : assolement obligatoire, vendange et fauchaison réglementées, et surtout pratique de la [bleu violet]vaine pâture[/bleu violet] qui consistait à laisser les troupeaux circuler librement sur les terres en jachère, d’où l’absence de haies clôturant les champs. Ce système perdurera jusque dans les années 1950 et marque encore aujourd’hui fortement les paysages agricoles : pas de bocage (avec des parcelles séparées par des haies), habitat soigneusement groupé et économe de l’espace, pâtures sur les hauts de coteaux ou dans les fonds, vergers et vignobles sur les pentes, forêts sur les sols les plus ingrats, et cultures partout ailleurs, dès que les sols sont favorables, dessinant [bleu violet]un manteau d’Arlequin[/bleu violet] composé de longues parcelles en rubans, hérité des partages successifs.
Que ce soit pour le plateau de Haye ou le plateau du Pays Haut, le développement
de la production laitière s’est traduit par la mise en place d’un système à auréoles
dont on retrouve encore la présence, même s’il s’est plus simplifié qu’ailleurs.
Ceci permet de garder encore des éléments de ceinture verte.
Comparaison des transitions agricoles
Transition douce en « fondu-enchaîné » des ondulations des plateaux et plaines :
Paysage en fondu-enchaîné : un passage tout en douceur des parcelles labourées installées sur les plis du relief vers les prairies nichées dans les creux des vallées, Laneuveville-aux-Bois
Les pâtures s’installent le plus souvent dans les fonds, et accueillent une végétation arborée plus abondante que dans les secteurs cultivés, Mont-sur-Meurthe
Les douces ondulations du Plateau lorrain : des transitions douces en fondu-enchaîné entre les prairies et les cultures
Transition franche pour les vallées encaissées des plateaux :
Les vallées encaissées des plateaux calcaires (Pays-Haut, Haye) : des transitions nettes
L’entaille de la vallée de la Chiers dans son écrin boisé sur le plateau du Pays-Haut
Paysage de fond de vallée cadré par les coteaux boisés dans la vallée de la Chiers
L’intensification récente des pratiques agricoles favorise la mise en culture des terres qui sont drainées et amendées afin d’en améliorer la productivité. Toutefois, [bleu violet]pâtures et prairies subsistent encore[/bleu violet], notamment dans le Lunévillois, occupant les secteurs plus humides où les terres lourdes sont moins faciles à travailler. Il en résulte des paysages originaux, doux, en « fondu-enchaîné », où alternent dans une même continuité les cultures et les pâtures, avec les céréales sur les « bosses » et les prairies dans les « creux ».
Les prairies et pâtures d’élevage naissent ainsi dans le paysage à la faveur d’un simple pli du relief. Elles restent présentes partout sur le territoire, même au milieu des grandes cultures du Pays-Haut. Ces herbages, avec les troupeaux qui les entretiennent et les structures végétales qui les accompagnent, créent [bleu violet]une précieuse diversité paysagère[/bleu violet] qui rompt la monotonie des vastes espaces voués aux céréales. Leur vert permanent tranche avec les variations des couleurs des cultures : jaune vif des colzas au printemps, vert - jaune des jeunes pousses au
printemps, vert tendre des jeunes pousses en hiver, blond-doré des blés murs au début de l’été, brun rouge ou mauve des terres fraîchement labourées. La présence de troupeaux contribue par ailleurs à [bleu violet]l’animation des paysages[/bleu violet].
Quant aux prés-vergers, entretenus par des troupeaux de bovins ou d’ovins, s’ils sont moins présents que dans le passé, ils se maintiennent aux abords des villages ruraux. Ils contribuent à [bleu violet]la douceur des paysages agricoles[/bleu violet], ménageant une transition élégante et confortable entre grandes cultures ouvertes et bâti compact, constituant un écrin arboré protecteur aux villages, offrant des espaces de proximité attractifs aujourd’hui pour des usages de détente.
La Côte d'Eulmont, butte-témoin des Côtes de Moselle (Eulmont)
Belle séquence paysagère de coteaux dans la vallée de la Moselle dessinant un tableau de campagne jardinée : couronne boisée, pâtures piqués de fruitiers, haies, arbres isolés (Pagny-sur-Moselle)
Paysage de campagne jardinée dans la vallée du Madon
Occupation étagée du sol : forêt sur la crête, élevage dans les fonds humides et cultures sur les coteaux. La suppression des structures végétales entraîne une simplification du paysage (Côte de Moselle, vers Crépey)
Les [bleu violet]reliefs nerveux des côtes de Moselle et de Meuse[/bleu violet], prolongés par les courbes vives des collines que forment les buttes-témoins, offrent des panoramas de versants particulièrement bien perceptibles, composant les horizons remarquables du département. On y lit plus clairement qu’ailleurs l’organisation précise du paysage imposée par les pentes :
Ces paysages très visibles, sensibles, familiers, d’échelle humaine, soigneusement composés, composent les vitrines les plus valorisantes des paysages ruraux du département.
Carte schématique des grands types de paysages agricoles du département
En Meurthe-et-Moselle, le [bleu violet]système mixte de polyculture-élevage[/bleu violet] reste le plus courant et subsiste malgré un accroissement important de la céréaliculture : la polyculture-élevage concerne ainsi une structure agricole sur trois et couvre 42 % de la Surface Agricole Utile (sources : INSEE, Écoscopie de la Meurthe-et-Moselle, 2008). Les variations autour de cette dominante sont moins liées aux contraintes du milieu qu’aux politiques agricoles (PAC - Politique Agricole Commune européenne). L’agriculture du département reste en effet [bleu violet]fortement dépendante des aides européennes[/bleu violet], qui évoluent constamment. A l’heure actuelle, des tendances permettent de distinguer différents types de paysages agricoles :
Une polyculture-élevage encore bien présente dans le sud du département
Paysage agricole du Saintois : cultures, prairies et présence de structures arborées (haies, ripisylves arbres isolés, …)
Pâtures dans le fond de la vallée de la Moselle vers Flavigny-sur-Moselle
La partie sud du département reste marquée par la polyculture-élevage. Cette portion du Plateau lorrain (Lunévillois, Saintois, Vermois et d’une partie du Saulnois) représente à elle seule près de la moitié de la surface agricole utile (SAU) départementale. Les sols assez argileux et lourds laissent de nombreuses prairies dans les fonds humides, alors que les surfaces mieux drainées sont cultivées. L’ensemble s’enchaîne sans heurts, de façon douce, composant [bleu violet]des paysages ouverts riches de diversité[/bleu violet], grâce notamment aux pâtures qui soulignent les fonds et accueillent plus facilement les arbres, isolés ou en haies, en ripisylves, ou en têtards. Ces structures végétales sont encore bien présentes bien que certains secteurs de grandes cultures tendent à se simplifier : les premiers remembrements ont contribué à la disparition de nombreux arbres mais par la suite des replantations ont été réalisées avec les travaux connexes. La diversité de
cultures et la présence d’une trame végétale est nécessaire au maintien d’une
certaine biodiversité.
Une agriculture essentiellement tournée vers les grandes cultures céréalières sur les plateaux du Pays Haut et de Haye : des paysages ouverts et amples
Grandes cultures céréalières sur le plateau de Haye (Sexey-les-Bois)
Paysage ouvert de grandes cultures sur le plateau du Pays-Haut (Villers-le-Rond)
Bien que les grandes cultures dominent, l'élevage reste encore présent dans les paysages du Pays-Haut (Petit-Xivry)
Sur les plateaux du Pays-Haut et de Haye, qui représentent environ 32% de la SAU du département, l’agriculture dessine [bleu violet]des paysages amples et très ouverts[/bleu violet], avec peu de structures végétales arborées. Les grandes cultures dominent, gérées par des exploitations agricoles importantes. Les sols moins cultivables du plateau de Haye conservent de vastes étendues de forêts. Dans la plaine de la Woëvre, qui couvre 10 % de la SAU du département, les sols argileux et lourds sont essentiellement exploités par des cultures fourragères. La surface moyenne des exploitations y est la plus importante du département, dépassant souvent les 100 ha, ce qui se traduit par des paysages relativement simplifiés, aux échelles dilatées du fait des parcelles plus vastes(source : INSEE, Écoscopie de la Meurthe-et-Moselle, 2008).
Un certain renouveau de l’arboriculture
Paysage des vergers récents de production : les arbres basses-tiges forment une masse compacte et régulière
Vergers récents de production : les arbres basses-tiges forment une masse compacte
Verges de production dans le Saintois (Gerbécourt-et- Haplemont)
Vergers de production sur le rebord du plateau de Haye (Dieulouard)
Vergers traditionnels : arbres hautes-tiges le plus souvent parsemés dans un pré pâturé
Vergers traditionnels : les mirabelliers matures sont parsemés dans un pré pâturé
Vergers pâturés dans le Pays-Haut (Saint-Julien-lès-Gorze)
Ligne d'arbres fruitiers entre deux champs cultivés, un vestige des paysages traditionnels d'openfield (Landécourt)
Vergers récents de production et vergers traditionnels dessinent des paysages distincts (un exemple sur les pentes de la colline de Sion-Vaudémont)
Les vergers de [bleu violet]mirabelliers[/bleu violet], qui illuminent les coteaux de leur floraison blanche au printemps, [bleu violet]sont emblématiques de la Lorraine[/bleu violet]. La production régionale représente 61 % de la production nationale (Source : Statistique Agricole Annuelle 2010). Ils dessinent aujourd’hui deux types de paysages :
La viticulture des Côtes de Toul
Après une phase de disparition, les vignes connaissent un timide mais précieux développement sur les Côtes de Toul (Saint-Maurice)
Les parcelles de [bleu violet]vignes[/bleu violet] « peignées » et soignées qui parsèment les Côtes de Toul (correspondant à une partie des Côtes de Meuse) composent des paysages d’une grande originalité, unique à l’échelle départementale. Si la vigne est rare aujourd’hui en Meurthe-et-Moselle, elle était présente sur presque tous les coteaux au Moyen-Age : le vignoble s’y est développé sous l’impulsion des Ducs de Lorraine et des Evêques de Toul, pour atteindre près de 6 000 hectares en 1865, avant qu’il ne soit fragilisé par l’industrialisation et l’exode rural, puis décimé par le phylloxéra au début du XXe siècle.
Les vergers le remplacent alors, ne laissant qu’un vignoble relictuel sur les Côtes de Toul (31 ha de vignes en 1951) et quelques rangées de vignes dispersées autour des villages. Après cette période de crise, de nombreuses vignes sont replantées et les viticulteurs s’orientent vers une production de qualité dans les années 1980. Leurs efforts sont récompensés avec l’obtention de [bleu violet]l’AOC « Côtes de Toul »[/bleu violet] en 1998, qui concerne 168 ha de vignes répartis sur une trentaine d’exploitations et sur huit villages : Lucey, Bruley, Pagney-derrière-Barine, Domgermain, Charmes la Côte, Mont-le-Vignoble, Blénod-les-Toul et Bulligny.
Les fruits des vignes et des vergers de Meurthe-et-Moselle nous invitent à Goûter les Paysages !